Insectes : la nourriture du futur ?
Fréquemment, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) évalue les risques sanitaires de l’arrivée de nouveaux aliments sur le marché en alimentation humaine et animale. Récemment, en Janvier 2021, les vers de farine, autrement appelés les larves de ténébrion meunier (Tenebrio molitor), entiers ou sous forme de farine, ont ainsi intégré la liste des nouveaux aliments, dit « Novel food ». Une récente revue de la littérature fait le point sur les études portant sur l’importance des insectes comestibles en tant que sources de nourriture, valeurs nutritionnelles, activités biologiques des composantes et applications dans les industries alimentaires [1].
Manger des insectes, quelle drôle d’idée !
L’entomophagie, le fait de consommer des insectes comestibles, est traditionnel dans de nombreux pays. En effet, deux milliards de personnes dans le monde, selon l’OMS, en consomment dans plus de 100 pays, tels que l’Asie, l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale et l’Afrique [2]. Les espèces consommées varient géographiquement [3]. Récemment, l’intérêt pour la consommation d’insectes comestibles émerge en Europe et en Amérique du Nord [4].
Dans la culture occidentale, l’acceptabilité des consommateurs est encore faible [5]. Cependant, les éléments nutritifs des insectes peuvent être extraits et exploités séparément comme ingrédients [6]. Ils peuvent être utilisés sous forme de poudre ainsi que dans la préparation de produits alimentaires transformés pour éviter une quelconque réticence à la consommation d’insectes en tant que tel [7]. De par leur forte teneur en protéines, fibres et minéraux (calcium, phosphore et fer) et leur faible teneur en matières grasses, les insectes comestibles représentent un additif alimentaire intéressant [8].
Manger des insectes : quels avantages nutritionnels ?
L’étude de la composition nutritionnelle des insectes est difficilement réalisable puisqu’il existe une grande diversité d’espèces. De plus les données scientifiques sont limitées à ce sujet. D’un point de vue nutritionnel, les insectes sont valorisés pour leur apport en protéine. En effet, la larve de ténébrion après transformation présente un taux de protéines de 60 % avec une teneur en acides aminés plus élevée que dans le poisson ou la viande.
Cependant, la digestibilité de ces protéines brutes reste inférieure à celle de la viande (66 à 90 % vs 95 à 97 %). Elles sont également une bonne source d’acides gras monoinsaturés (12 g/100 g) et polyinsaturés (7 g/100 g). Cependant, les procédures d’extraction affectent les propriétés des protéines de ces produits [9; 10]. De plus, ces produits détiennent une quantité élevée d’acides gras essentiels (acide linoléique et acide a-linolénique)[11].
Pourquoi en consommer ?
Au vu de la population mondiale grandissante, il est intéressant de se pencher sur de nouvelles solutions pour nourrir l’ensemble de la planète. La consommation de protéines est vitale pour l’homme et de nombreux animaux. De plus, notre organisme ne stocke pas les protéines à la différence d’autres macronutriments, il est donc nécessaire de lui en apporter via notre alimentation.
Vers des protéines végétales…
De ce fait, l’accent est mis sur l’augmentation de production de sources de protéines végétales comme la culture de la spiruline, du soja, ou de nombreuses graines… Cependant, leur teneur en acides aminés varient. Une grande partie des protéines végétales sont dites incomplètes, c’est-à-dire qu’elles ne contiennent pas les neuf acides aminés essentiels… De plus, les protéines animales contiennent du fer et de la vitamine B12, tandis que les protéines végétales sont riches en antioxydants et en fibres. De ce fait, les insectes comestibles semblent être de bons substituts aux aliments riches en protéines [12].
Une solution pour la planète ?
La consommation alimentaire d’insectes présente des avantages environnementaux. En effet, il existe un intérêt à un changement de sources traditionnelles de protéines animales. Ainsi, consommer des protéines en mangeant des insectes permettrait une diminution des émissions de gaz à effet de serre [9].
Un atout pour notre santé ?
Au-delà du fort pouvoir nutritionnel, ces produits possèdent également diverses activités biologiques. Plusieurs études ont rapporté des propriétés antioxydantes [13; 14], antihypertensives [15], anticancéreuses [16], anti-inflammatoires [17], anti-obésité [18], antidiabétiques [19] et antimicrobiennes [20] des protéines d’insectes comestibles.
La consommation d’insectes : des risques pour notre santé ?
Des risques d’allergies…
Cependant, la consommation d’insectes peut être à l’origine d’un risque d’allergies. En effet, ces produits peuvent détenir des traces de métaux lourds, de mycotoxines et de bactéries, bien que la présence de celles-ci soit inférieure aux normes tolérées. La consommation d’insectes ne présente pas de toxicité identifiée mais un potentiel allergénique chez les sujets allergiques aux crustacés et acariens. En effet, l’exosquelette des insectes contient de la chitine, une composante de la carapace des crustacés. Il faut aussi être attentif à la potentielle présence d’allergènes résiduels provenant d’aliments pour insectes (le gluten par exemple).
Une potentielle toxicité ?
Il est important également de se pencher sur l’inocuité des insectes pour la consommation humaine. Des études scientifiques se sont penchés sur la potentielle toxicité de ces produits [21; 22; 23]. Par exemple, aucune toxicité n’a été observée concernant la consommation du ténébrion meunier [24]; Allomyrina dichotoma, une espèce de scarabées-rhinocéros et Gryllus bimaculatus, une espèce de grillons [25]. D’autres recherches sur les différentes espèces d’insectes comestibles sont nécessaires afin d’élucider les effets bénéfiques et potentiellement toxiques de leur consommation.
La nouveauté de la consommation d’insectes en Europe suscite actuellement un grand intérêt de la part des consommateurs et des médias. Cela induit une accélération des évaluations scientifiques de l’EFSA nécessaires pour l’autorisation de la mise sur le marché de l’UE. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour utiliser des insectes comestibles dans les industries alimentaires et pharmaceutiques.
Auteur : Marion Ricour, Docteure en Biologie Santé, Responsable Scientifique chez Pharmacodietetics
Ainsi que notre comité éditorial, composé de :
Marie Baillieux, Pharmacienne, Responsable informations pharmacologiques chez Pharmacodietetics
Grégory Guilbert, Pharmacien, Responsable de publication et CEO chez Pharmacodietetics
Caroline Melkonian, Responsable diététique chez Pharmacodietetics
Sources :
Bibliographie
[1] Lee, J.H., Kim, TK., Jeong, C.H. et al. Biological activity and processing technologies of edible insects: a review. Food Sci Biotechnol 30, 1003–1023 (2021)
[2] Dobermann D, Swift JA, Field LM. Opportunities and hurdles of edible insects for food and feed. Nutrition Bulletin 42: 293-308 (2017)
[3] Kim TK, Yong HI, Kim YB, Kim HW, Choi YS. Edible insects as a protein source: A review of public perception, processing technology, and research trends. Food Science of Animal Resources 39: 521-540 (2019)
[4] Melgar-Lalanne G, Herna´ndez-A´ lvarez AJ, Salinas-Castro A. Edible insects processing: Traditional and innovative technologies. Comprehensive Reviews in Food Science and Food Safety 18:1166-1191 (2019)
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[6] Tzompa-Sosa, Daylan & Fogliano, Vincenzo. (2017). Potential of Insect-Derived Ingredients for Food Applications. 10.5772/67318.
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[8] Osimani A, Milanovic´ V, Cardinali F, Roncolini A, Garofalo C, Clementi F, Pasquini M, Mozzon M, Foligni R, Raffaelli N. Bread enriched with cricket powder (Acheta domesticus): A technological, microbiological and nutritional evaluation. Innovative Food Science and Emerging Technologies 48: 150-163 (2018)
[9] Kim TK, Yong HI, Chun HH, Lee MA, Kim YB, Choi YS. Changes of amino acid composition and protein technical functionality of edible insects by extracting steps. Journal of Asia-Pacific Entomology 23: 298-305 (2020)
[10] Lee S, Jo K, Yong HI, Choi YS, Jung S. Comparison of the in vitro protein digestibility of Protaetia brevitarsis larvae and beef loin before and after defatting. Food Chemistry 338: 128073 (2021)
[11] da Silva Lucas AJ, de Oliveira LM, da Rocha M, Prentice C. Edible insects: An alternative of nutritional, functional and bioactive compounds. Food Chemistry 311: 126022 (2020)
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[25] Noh JH, Yun EY, Park H, Jung KJ, Hwang JS, Jeong EJ, Moon KS. Subchronic Oral Dose Toxicity of Freeze-dried Powder of Allomyrina dichotoma Larvae. Toxicol Res. 2015 Mar;31(1):69-75. doi: 10.5487/TR.2015.31.1.069. PMID: 25874035; PMCID: PMC4395657.
Sitographie
Insectes comestibles: la science de l’évaluation des nouveaux aliments, 2021 https://www.efsa.europa.eu/fr/news/edible-insects-science-novel-food-evaluations
European Commission. Safety of dried yellow mealworm (Tenebrio molitor larva) as a novel food pursuant to Regulation (EU) 2015/2283. Scientific Opinion. EFSA Journal. doi: 10.2903/j.efsa.2021.6343.
Avis favorable de l’Efsa pour un Novel food 100 % larves d’insectes, Société Française de Nutritionhttps://sf-nutrition.fr/2021/06/01/avis-favorable-de-lefsa-pour-un-novel-food-100-larves-dinsectes/
Recette mug cake chocolat framboise vers de farine
Ingrédients (pour 1 personne) :
3 c à s de farine
2 c à c de sucre
20g de chocolat noir
1 c à s de purée d’amandes
1 c à s de lait d’amandes
1 œuf
5g de vers de farine déshydratés
6 framboises
1/4 c à c de levure chimique
1 pincée de sel
Préparation :
1. Dans un mug, faire fondre le chocolat et la purée d’amandes au four à micro-ondes pendant environ 30 secondes.
2. Mélanger avec une fourchette, ajouter l’oeuf et mélanger à nouveau.
3. Ajouter le sucre et le lait d’amande.
4. Ajouter la farine, la pincée de sel et la levure chimique. Battre vigoureusement.
5. Ajouter les framboises et les vers de farine puis mélanger délicatement. Disposer une framboise au sommet pour la décoration.